Les femmes de l’Ecole de Nancy
Lieu évoqué : Ecole des beaux-arts, Nancy.
« Henriette Gallé, l’épouse, la femme de conviction, la collaboratrice ; Marie Prouvé, la muse, l’inspiratrice ; Madeleine Deville, la jeune bourgeoise devenue vieille demoiselle s’adonnant aux arts décoratifs ; Marie Blesz, la couturière qui travaille par nécessité toujours, par goût souvent ; Rose Wild, l’artiste, la seule créatrice de l’École de Nancy, jeune femme fragile à la destinée maudite. Cinq femmes, cinq destinées, cinq tempéraments différents, mais une même appartenance à une bourgeoisie libérale, progressiste et socialisante, soucieuse d’incarner la modernité et l’avenir en reconnaissant à la femme l’égalité intellectuelle et le droit fondamental à une éducation identique à celle de l’homme. Cinq figures d’un féminisme qui voit dans le modèle familial et conjugal classique l’épanouissement de la femme.
Dans cette perspective, les hommes de l’École de Nancy ne diffèrent pas de leurs contemporains. Souscrivant à ce féminisme familial, ils apprécient leurs épouses, leur témoignent affection, reconnaissance et confiance, les associent étroitement à leur œuvre, à leurs convictions, à leur vie sociale. Cette confiance, ils la placent même dans la femme en tant que telle : confiance de Gallé en Rose Wild, la seule femme intégrée à l’atelier de création ; confiance de Prouvé dans les ouvrières d’art. Mais leur réflexion ne va pas au-delà. S’ils ne s’expriment pas dans la lutte engagée par l’Association des femmes peintres et sculpteurs pour l’accès des femmes à l’École nationale des beaux-arts, est-ce par indifférence ou parce qu’à Nancy les femmes sont admises depuis plusieurs années déjà ? »
Florence Daniel-Wieser, Les dames de Nancy, Editions de l’Est, 1998, p.145.