La lenteur et l’ennui pendant l’été
Lieu évoqué : Hayange.
« – T’as un mec dans le tas? demanda Steph.
– Pas vraiment. On a tellement de boulot de toute façon.
Puis ce fût le tour de Steph de raconter. Elle demeura évasive. Pourtant, elle et Clem ne s’étaient plus vues depuis l’été du bac. Il y avait beaucoup à dire.
Après sa mention, Steph avait été prise d’une illumination. Tout à coup, il n’avait plus été question pour elle de faire du droit. Elle avait pressenti que pour les gens de son espèce, la fac autorisait trop de libertés, d’occasions de se perdre. Et puis il entrait dans ce refus in extremis un rien de snobisme. Elle ne pouvait se résoudre à passer cinq ans dans des amphis monstres, confondue parmi des centaines de glandus montés de leur cambrousse.
Seulement, à l’inverse de Clem et d’autres camarades mieux cornaqués qui depuis l’enfance s’armaient pour de profitables carrières académiques, Steph n’avait rien prévu. Du CP à la terminale, elle s’était contentée d’en faire le moins possible et sur la fin, sa lubie pour Simon était presque devenue une occupation à plein temps. Au moment d’accomplir les choix qui pèsent, elle se retrouvait le bec dans l’eau. Elle le regrettait et en faisait le reproche à ses parents.
Eux-mêmes, qui menaient la vie confortable de petits-bourgeois démerdes et sans trop de culture, n’avaient pas fourbi de plan précis pour leur fille unique. Pierre Chaussoy avait simplement eu cette exigence excentrique, la mention au bac. »
Nicolas Mathieu, Leurs enfants après eux, Editions Actes Sud, 2018, p. 324.