La Colline inspirée – Maurice Barrès
Colline de Sion-Vaudémont
La Lorraine possède un de ces lieux inspirés. C’est la colline de Sion-Vaudémont, faible éminence sur une terre la plus usée de France, sorte d’autel dressé au milieu du plateau qui va des falaises champenoises jusqu’à la chaîne des Vosges. Elle porte sur l’une de ses pointes le clocher d’un pèlerinage à Marie, et sur l’autre la dernière tour du château d’où s’est envolé jusqu’à Vienne l’alérion des Lorraine-Habsbourg. Dans tous nos cantons, dès que le terrain s’élève, le regard découvre avec saisissement la belle forme immobile, soit toute nette, soit voilée de pluie, de cette colline posée sur notre vaste plateau comme une table de nos lois non écrites, comme un appel à la fidélité lorraine. Et sa présence inattendue jette dans un paysage agricole, sur une terre toute livrée aux menus soins de la vie pratique, un soudain soulèvement de mystère et de solitaire fierté. C’est un promontoire qui s’élève au milieu d’un océan de prosaïsme. C’est comme un lambeau laissé sur notre sol par la plus vieille Lorraine.
De quel charme bizarre, aussitôt que je l’aperçois, ne saisit-elle pas mon esprit et mon coeur, cette montagne en demi-lune, à la fois charmante et grave !
Maurice Barrès, Romans et voyages, Paris, Éditions Robert Laffont, 1994, pp. 574-575
Bibliographie : Maurice Barrès (1862-1923) dans la Colline inspirée rend hommage à la montagne de Sion-Vaudémont, qui représente pour lui « un lieu sacré de la Lorraine », « la sainte colline nationale » ou encore « le centre de notre nationalité ».