Colis piégés
Lieux évoqués : rue d’Auxonne, place Aimé Morot, quartier de Boudonville, rue Joseph Mougin, rue Saint-Bodon, boulevard de Scarpone
« Qui s’en souvient ? C’était dans les années soixante, le boulevard de Scarpone était encore
bordé de larges trottoirs sur lesquels poussaient de beaux platanes qu’on avait pas encore
sacrifiés aux bagnoles toutes puissantes. Pourtant, le quartier de Boudonville, du côté de la rue
Saint-Bodon, faisait plutôt cracra, et les riverains concevaient des blagues ou des amusements
qui se teintaient pesamment de la couleur locale.
À l’est de la place Aimé Morot, la courte partie de la rue d’Auxonne, qui surplombait la rue
Saint-Bodon, à la hauteur de la rue Joseph Mougin, s’adossait contre un mur sur lequel on
trouvait régulièrement de jolis paquets noués de faveurs ou de bolducs frisottés, délicatement
abandonnés là. Cependant malheur aux naïfs qui déballaient ces jolis colis, croyant avoir à faire
à un paquet de pâtissier, oublié sur le parapet, par un gourmand distrait, car on y trouvait en
général un colombin bien moulé, autrement dit un beau bronze coulé avec force auquel étaient
joints les lambeaux de papier journal qui avaient servi à essuyer l’anus du généreux donateur,
comme une preuve irréfutable de l’origine humaine de l’étron.
C’était de bonne et de solide plaisanterie, comme on n’oserait plus en faire aujourd’hui, parce
que les sanitaires nous ont privés de l’idée qu’on puisse déféquer ailleurs que dans de la
faïence. »
Jean-Claude Baudroux, La môme cailloux, Éditions du Bastberg, 2005, p.44
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