Le charme de Blanche
Lieux évoqués : Gérardmer
« Le réalisateur avait déguisé plusieurs jeunes femmes en reine des apaches. Il annonça que seule l’originale se prêterait aux questions des journalistes, à charge pour eux de la démasquer…
Presque tous reconnurent Blanche, à sa grande surprise. Ils brûlaient de tout savoir d’elle, de son passé, de ses conquêtes. Elle aurait voulu avoir la repartie de Cécile Sorel ou de Sarah Bernhardt, se contenta de quelques phrases brèves, redoutant que ses interlocuteurs ne découvrent l’imposture. Elle n’était pas de la même eau que ces divas, pas même de Marthe, la vedette de l’Ambigu.
Ses réponses laconiques, loin de les rebuter, les conquirent. Elles leur permettaient de construire un personnage à la froideur électrisante, propre à séduire leurs lecteurs. «Le mystère Véra Vir.»
Elle finit par couper court à leurs questions, s’éclipsa sur la terrasse.
Des rangées de hêtres et de chênes délimitaient la fin du parc. Leur géométrie bien ordonnée, soulignée par la lune gibbeuse, déconcerta Blanche. Elle ne retrouvait pas la force du bois de Gérardmer. c’étaient pourtant les mêmes arbres aux troncs lancés vers le ciel, mais leurs ramilles taillées, les buissons élagués leur ôtaient toute énergie. Des lanternes placées à intervalles réguliers à la lisière du bois les baignaient d’une lueur falote. Là-bas dans les Vosges, la neige leur insufflait un air de majesté, un calme qui s’infusait en elle. Elle n’avait plus peur. Juste un désir intense de sentir le sang battre, irriguer ses muscles. »
Carl Aderhold. Le théâtre des nuits, Stock arpège, 2020, p.262.