La famille Hugo et Nancy

Publié par Bibliothèques de Nancy le

Lieux évoqués : rue des Maréchaux, Parc de la Pépinière.

« – Nous ne serons pas très éloignés, je te rejoindrai sûrement avant la fin de l’été.
Sophie n’a pas eu le temps de regimber davantage. Elle s’est retrouvée avec malles et bébé dans la diligence qui va à Nancy via Châlons, Vitry, Saint-Dizier et Toul. Elle enrage, mais trop tard. Et, tandis que la voiture cahote sur les méchantes routes de la Champagne, Sophie pour la première fois, a une pensée franchement mauvaise à l’égard de son mari. Oui, elle souhaite, puisqu’il est si avide de gloire, que le feu de la mitraille, dont il parle avec une si joyeuse emphase, l’expédie définitivement au sombre et glorieux royaume des héros tombés pour la France. Après tout, l’état de veuve ne doit pas être si dénué de charme.
Dans de telles dispositions d’esprit, la jeune citoyenne Hugo n’a pas débarqué rue des Maréchaux le sourire aux lèvres. Et elle ne l’a pas retrouvé dans les semaines qui ont suivi.
D’abord, elle étouffe dans cette étroite rue commerçante, à la limite de la ville vieille où le soleil pénètre difficilement entre les façades pisseuses aux vitres sales. A côté de cette rue, la place de Grève, à Paris, lui semble un paradis. Elle trouve que tout est vulgaire et crasseux dans ce quartier où la maison des Hugo ne se distingue guère avec ses trois étages à quatre fenêtres, son couloir étroit et cette cour intérieure, obscure, humide, qui sent le fond de puits. (…)
Quant aux femmes de la famille, sa belle-mère surtout et sa belle-sœur Goton, Sophie n’a pas mis huit jours à les trouver parfaitement insupportables.
La vieille citoyenne Hugo, qui a fini de pleurer son mari défunt, s’est jetée sur son petit-fils Abel comme la vérole sur le bas-clergé, avec la prétention de s’en occuper. (…)
Et les deux harpies se relaient pour corner aux oreilles de Sophie qu’il est dangereux d’aller, comme elle le fait, promener Abel au parc de la Pépinière dont le grand air contient des germes et des maladies. »

Geneviève Dormann, Le Roman de Sophie Trébuchet, Editions Albin Michel, 1984.

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