Le rapide de 20 heures à Nancy et les aléas de la SNCF

Publié par Bibliothèques de Nancy le

Lieu évoqué : Gare, Nancy.

« Il arriva un jour un incident de personne sur la voie, comme disait pudiquement la SNCF d’alors quand il s’agissait en fait de prendre le temps de retrouver les morceaux de la personne. Cela fit que mon train ne put quitter à l’heure prévue la gare de Nancy.
Il était 20 heures, je devais avoir gagné la caserne de Laval avant 6 heures. Aucune excuse ne pouvait justifier un retard. Si j’avais expliqué à l’adjudant de service l’accident sur la voie devant le rapide de 20 heures à Nancy il m’aurait rétorqué sèchement et sans rire :

– Veux pas l’savoir, fallait prendre çui d’avant. Vous s’rez au rapport du capitaine.

Je me fais établir quand même une attestation au bureau de police de la gare et je croise en sortant un contrôleur avec un peu de bouteille (1) qui me demande :

– T’as un problème, garçon ?

Je lui explique la situation, il me dit de le suivre. Nous traversons quelques voies et il interpelle un autre contrôleur qui s’apprête à monter dans un train sur le départ. En deux mots la transmission (2) est faite et je comprends que ce monsieur me remettra entre les mains d’un de ses collègues en gare de… (je ne sais plus où) qui, lui, m’escortera jusqu’à (ailleurs, autre gare) où le contrôleur du… 47 me mettra dans le train pour Laval. Les braves gens.

Je ne vous dis pas le voyage seul dans un compartiment, puis avec des postiers qui triaient le courrier en roulant et partagèrent avec moi leur saucissonnade, et aussi dans une petite cabine en bout de wagon de marchandises, et encore en première et debout dans un soufflet, sautant d’une voie à l’autre. »

Jean-François Costa, Vous en reprendrez bien une becquée ?, Editions du Panthéon, 2017, pp. 44-45.


1. Là je laisse à chacun le soin de comprendre ce qu’il veut. Si ce monsieur vit encore je l’embrasse
2. Jeu de mots in-volontaire sur « transmission », Laval, école des… toutes mes excuses aux puristes, je n’ai pas su résister.
Crédits photographiques : Yves Quemener