Du côté des Grands Moulins à Nancy
Lieu évoqué : Les Grands Moulins, Nancy.
«En temps normal, il fallait descendre une bonne vingtaine de marches pour aller de la rue jusqu’au niveau de l’eau. À vingt centimètres la contremarche, cela faisait quelques mètres de dénivelé. Ce que ses riverains avaient baptisé « bras mort » était en fait un ancien déversoir de la Meurthe qui alimentait en énergie motrice les grands moulins avant que ceux-ci, modernisme aidant, tirassent de l’électricité la force de faire tourner leurs meules. À la place des anciennes vannes, un barrage avait été construit au dessus duquel, ce jour, l’eau roulait et bouillonnait dans un flot continu sonore comme celui d’un train dans un tunnel. Huit marches étaient déjà couvertes. Le risque d’inondation menaçait. Ce n’était pas la première fois que le phénomène se produisait, chacun avait encore en mémoire l’épisode de 1947, le plus grave, et tous ceux de moindre importance qui avaient suivi depuis cette date (…) la Moselle et la Meurthe étaient au plus haut. Le sol gorgé d’eau n’en n’absorbait plus et ces pluies augmentées de la fonte prématurée des neiges vosgiennes faisaient déborder ruisseaux, fleuves et rivières. De vastes lacs s’étaient créés sur les prairies et les terres maraîchères du Lunévillois. Dans certains quartiers de Nancy, les plus bas de la cuvette naturelle dans laquelle la ville s’est construite, autour des anciens marais fatals à Charles le Téméraire, les pompiers avaient sorti leurs grosses barques peintes en rouge pour venir en aide aux habitants qui s’étaient réfugiés aux niveaux les plus élevés et dans les greniers des maisons. (…) À partir d’aujourd’hui, les habitants de l’Avenue du XXe Corps allaient se relayer pour surveiller la montée des eaux.»
Jean-François Costa, Quatre saisons pour un printemps : petite chronique en terre lorraine de l’année 1960. Editions Panthéon, 2018, p. 145.