Le Grand Café Foy
Lieu évoqué : Place Stanislas, Nancy.
« Ce conte contemporain – voire décompte – se loge dans les brumes et les ors de la Lorraine où je débarque, en cet automne 2015, après une longue absence.
Attablé à la terrasse du Foy, Place Stanislas, je savoure l’amertume de l’automne parvenu à maturité comme moi. Quelques feuilles indisciplinées, échappées des tilleuls qui garnissent le parc proche se posent sur les pavés blancs bien polis. Du temps où j’étais étudiant, cet espace était salement goudronné et on y garait sa voiture, quand on en avait une, jusqu’au pied de la statue de Stanislas Leszcynski, serviteur des arts, à qui la Lorraine est reconnaissante, selon l’épitaphe. Je me remémore les rendez-vous que j’ai donnés sur ces marches. Satanée mémoire sélective qui me fait surtout me souvenir de ceux qui ont tourné court. J’attendais, assis sur la pierre froide avec mon vélo fixé à la marche par une pédale. J’attendais une femme qui m’avait déjà oublié. Café ? S’enquiert le serveur perspicace à qui j’ai fait signe. Je hoche la tête mais je n’ai pas eu le temps d’ajouter s’il vous plaît. Les gens d’aujourd’hui ne sont pas moins bien éduqués qu’autrefois, juste plus pressés. […]
Cette place Stanislas, l’une des plus belles d’Europe, je la contemple comme si c’était la première fois, saisi par la lumière que se renvoient les façades de pierre claire : l’hôtel de ville, où je ne me suis jamais marié, l’opéra, flanqué du Grand hôtel de la reine. »
Alixe Sylvestre, La presqu’île aux Oisanges, Editions Territoires Témoins, 2018, p. 12.