« Me recueillir devant le majestueux tableau d’Emile Friant, La Toussaint »
Lieu évoqué : Musée des beaux-arts, Nancy.
« J’ai quitté cette ville il y a un quart de siècle sans lui dire au revoir. Je lui dois des excuses que je ne sais pas à qui adresser. À titre de pèlerinage, je suis allé me recueillir devant le majestueux tableau d’Emile Friant, La Toussaint. La première de ces femmes en noir, sur le chemin du cimetière, avec son bouquet de chrysanthèmes et sa coiffe sombre, c’est tout à fait ma grand-mère qui déploya une belle énergie pour faire de sa fille mieux qu’une paysanne, une institutrice ; cette aïeule espérait que je gravirais une marche de plus sur l’échelle sociale. Ses ancêtres à elle n’allaient pas plus haut que le grenier où s’entassaient les récoltes.
Une peinture réaliste que nous avons regardée ensemble, il y a bien longtemps, en feuilletant un almanach posé sur la toile cirée de la cuisine. C’est à cette ambitieuse lorraine, qui aurait tant voulu faire des études, que je dois de m’être intéressé de bonne heure à des sciences inexactes. »
Alixe Sylvestre, La presqu’île aux Oisanges, ETT / dépendances, 2018, p. 14.