Nancy ou bien Metz ?

Publié par Bibliothèques de Nancy le

Lieux évoqués :Pépinière, Rue Saint Dizier, Nancy.
Rue Tête d’Or, Esplanade, Rue Serpenoise, Metz.

« Après l’annexion, nous eûmes beaucoup de peine à désapprendre le chemin et à nous tourner vers Nancy, dont nous ne savions rien, sinon que c’était « un petit Paris, » selon les dires des rares personnes qui s’étaient aventurées si loin. Et cela suffisait pour que la métropole lorraine prît, à nos yeux, comme un faux air de frivolité. …
… Les vieilles dames qui avaient à Metz des parentés ou des amitiés, qui, de temps immémorial se fournissaient rue Tête-d’Or , ou rue du Petit-Paris , étaient inconsolables d’avoir à changer de magasins, d’espacer leurs relations ou leurs séjours , ou même d’être obligées d’y renoncer tout à fait. C’étaient des comparaisons perpétuelles entre l’Esplanade de Metz ou la Pépinière de Nancy, et des discussions sans fin sur les avantages et les inconvénients de ces deux promenades. On immolait généralement celle-ci à celle-là, dont on vantait la haute terrasse et la belle vue sur la vallée de la Moselle, tandis qu’on dénigrait la Pépinière comme un endroit triste, humide et sans horizon. On assurait que la rue Saint-Dizier le cédait à la rue Serpenoise, où d’ailleurs la camelote allemande n’avait pas eu encore le temps de s’installer. Les magasins de Nancy fonctionnaient à l’instar de Paris, et cela choquait beaucoup nos bonnes gens habitués aux traditions patriarcales du commerce messin. A Metz, le client était une ancienne connaissance, presque un ami, choyé et cultivé par le boutiquier, personnage plein de dignité et de décorum. A Nancy, ce n’était que l’acheteur anonyme qui entre et qui sort incognito. Et puis, qui pouvait répondre de ces commerçants nancéens ? Savait-on d’où ils venaient ? Et il y avait contre Nancy ce préjugé tenace et inexplicable de frivolité. Aujourd’hui, quand j’évoque mes souvenirs de ce temps-là, je trouve Nancy bien austère. »

Louis Bertrand, Ma lorraine, Éditions Delpeuch, 1926. pp. 38-39

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