Le faste de Nancy la ducale
Lieux évoqués : Place Carrière, Place Stanislas, Grand’rue, Nancy.
« Pour se rendre à Nancy, il fallait passer par Metz et subir deux fois les ennuis de la douane, à la frontière allemande. Nous avions aussi d’autres raisons pour nous tenir à l’écart de Nancy. L’esprit n’y était pas le même qu’à Metz, -et cet esprit déplaisait à nos gens. Ils accusaient volontiers les Nancéiens de prétention et de manque de simplicité… Nancy, siège d’une cour ducale, qui avait les plus grandes ambitions… On s’en gaussait à Metz comme à Versailles, on se moquait des « embarras de Nancy », comme on disait. Les Nancéiens du XIXe siècle avaient-ils conservé quelque chose de ces petits travers, je n’oserais l’affirmer. Toujours est-il que nos aînés continuaient à plaisanter Nancy et ses embarras, surtout nos amis de Metz… C’est la croissance d’une ville qui, à travers les âges, s’est développée normalement comme une plante humaine. …
Dès ce temps-là, le contraire me frappait à Nancy. Sans doute, j’y admirais beaucoup l’extraordinaire ensemble de la Carrière et de la place Stanislas. Mais cette charmante et prestigieuse composition est trop un décor planté là par un caprice de dilettante. Il se raccroche mal au reste de la ville qui a l’air mesquin et pauvre à côté. Une fois franchies les grilles dorées de Jean Lamour, il n’y a pour ainsi dire plus rien à voir, à moins que ce ne soit le somptueux portail de l’ancien Palais des Ducs ou les deux grosses tours de la Craffe. Il faut avouer pourtant que ce gothique détonne à côté des pots à feu et du rococo fleuri de l’Hôtel de Ville et du Palais du Gouvernement.»
Louis Bertrand, Jean Perbal, Fayard, 1925. pp. 277 et 283