Nancy est libérée

Publié par Bibliothèques de Nancy le

Lieux évoqués : Hôtel de ville, forêt de Haye

Avec de Gaulle au balcon de l’hôtel de ville

« Le 25 septembre, Prouvé et la ville vont recevoir, avec le faste et l’enthousiasme que l’on peut imaginer, le général de Gaulle. L’homme du 18 juin arrive vers 17h30 sur la place Stanislas, noire de monde. […] Sur le balcon de l’hôtel de ville où Prouvé l’accueille ensuite, de Gaulle lève les bras au ciel en formant le V de la victoire et s’exclame : « Au nom de la France, j’ai l’honneur de saluer aujourd’hui Nancy libérée ». Il est ovationné […]

Après la liesse populaire, les élus doivent se remettre au travail. Le conseil municipal de Nancy du 5 octobre entre dans le vif du sujet en évoquant les problèmes concrets auxquels sont confrontés les habitants. « Nous ferons tout ce que nous pourrons pour les sinistrés. La question du chauffage est une des plus graves. Le stock de charbon est insignifiant », indique Prouvé qui constate le même problème pour l’approvisionnement en bois. « La forêt de Haye est minée », dit-il en précisant qu’une demande va être formulée auprès des Américains et des services français de déminage pour qu’ils interviennent.

L’évacuation des ordures ménagères, le remplacement de la signalisation en allemand, mais aussi le cruel manque de terrains de sport pour les écoliers sont également à l’ordre du jour. Prouvé lance un appel à la population pour qu’elle manifeste sa solidarité avec les plus mal lotis. Il fait placarder dans la ville de grandes affiches où est dessiné un enfant en haillons sur fond de ruines. Il y signe le texte suivant : « Nancy est libérée. Vos femmes, vos enfants sont en vie, vos maisons, vos biens ont été épargnés. C’est un devoir pour vous de venir en aide à ceux qui souffrent, aux habitants de nos villages détruits qui n’ont plus, à la veille de l’hiver, ni toit, ni vêtements, ni linge, ni ustensiles de ménage. Chaque quartier de la ville se propose d’adopter une des communes sinistrées. Dans le vôtre, un comité s’est constitué. Que toutes les bonnes volontés aillent à lui. Répondez à notre appel. Partageons notre manteau. Des malheureux attendent un geste. Il témoignera de notre amour de la France. » Cet appel pressant sera entendu. Les nancéiens apporteront une contribution généreuse aux habitants des communes lorraines sinistrées.

D’ailleurs, la misère des réfugiés est visible à Nancy. Lors de la séance du 27 novembre, Prouvé indique que « devant leur afflux, nous avons dû prendre des dispositions importantes et immédiates d’accueil et d’hébergement ainsi que concernant la nourriture en faveur des compatriotes déshérités ». Ses inquiétudes sont relayées à Paris par le Nancéien Pierre-Oliver Lapie, membre de l’assemblée consultative qui lancera à la tribune : « La Lorraine a froid et faim. On doit le dire ici, elle a le sentiment qu’elle a plus froid et plus faim maintenant que pendant les quatre années d’occupation. » Sur ce dossier, l’action de la municipalité sera déterminante. En décembre, Prouvé va mettre en route le ravitaillement en charbon […]

Prouvé va créer une commission municipale spécifique sur ce thème où sont appelés à siéger des conseillers, mais aussi des épiciers, des boulangers, des cultivateurs et – Prouvé insiste – des représentantes « des ménagères de Nancy ». À plusieurs reprises, l’équipe municipale va dénoncer publiquement le marché noir, mais le souci exprimé par Prouvé est de « ne pas exciter les populations ». « Si elles descendaient dans la rue, elles ne trouveraient pas plus à manger », déclare-t-il. »

François Moulin, Jean Prouvé : le maître du métal, la Nuée bleue, Editions de l’Est, 2001

Iconographie : Limédia Galeries

Catégories : François Moulin