Ascension urbaine
Lieux évoqués : rue Oberlin
« Je me revois escaladant pour la première fois les escaliers en bois de la rue Oberlin vers l’appartement de Marie. J’étais derrière mon père, plus taiseux encore qu’à l’habitude. A bout de bras, il portait un panier d’osier contenant nos douze verres en cristal de Baccarat. Moi, j’étais un Petit Poucet perdu dans la forêt, abandonné par une mère qui, brutalement, sans tambour ni trompette, était partie pour aller vivre sa vie, comme dit si bien la langue populaire, me laissant transi, anéanti, au bord de la route. Seul. Tragiquement seul. (…)
Rue Oberlin, à chaque craquement des marches, je redoutais l’approche du loup. Je n’avais que trois ans et pourtant je n’ai rien oublié de l’interminable montée dans le noir, de l’odeur d’égout qui s’échappait de la cave, du poli de la rampe, et tout en haut la silhouette gigantesque de Marie, qui m’attendait sur le palier, ses grands bras ouverts. »
Jean-Marie Drot, Grand-Mère Soleil, Éditions Aléas, 2010.
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