Mousquetaires du roi
Lieu évoqué : Neuville-en-Verdunois
« Malgré la guerre qui faisait rage dans le pays lorrain, semant sur tout son territoire horreur et désolation, la vie au sein du village fortifié de Neuville-en-Verdunois, par exception assurément, se déroulait dans le plus grand calme.
Grâce à la bonté bienfaitrice de madame Alberte-Barbe d’Ernecourt, plus connue sous le nom de madame de Saint-Baslemont, la population de la petite cité barroise que protégeait des assauts extérieurs un donjon entouré d’un épais mur crénelé avec, en contrebas, de profonds fossés hérissés de pointes, s’était agrandie d’un nombre important de laboureurs, de manouvriers et d’artisans venus des alentours, qui tous, dans leur localité d’origine, avaient eu à pâtir des dommages ou des atrocités de la soldatesque errante.
Chaque jour, les rues du village bruissaient de toutes parts des sons d’outils qui s’élevaient des échoppes et des ateliers, qu’ils fussent produits par le sellier, le charron, le menuisier, le serrurier ou bien encore par le fondeur de cuivre. Ces gens travaillaient en partie pour le bien commun et, de ce fait, échappaient à l’impôt. La seule servitude qui les contraignait était de participer avec zèle et régularité aux formations militaires dispensées par le capitaine d’infanterie Manheulles, aux fins de prendre part à la défense des âmes et des biens de la seigneurie neuvilloise quand les unes ou les autres se trouvaient attaqués ou mis en danger.
Fort de cette obligation à laquelle nul ne pouvait se soustraire, Manheulles ne rencontra aucune difficulté à former une patrouille et dès le point du jour une douzaine d’hommes de toutes conditions se retrouvèrent à discuter à voix basse sur le parvis.
Certains remplissaient leur gourde à la source de l’égayoir, d’autres s’affairaient à boutonner avec soin leur plastron, d’autres encore s’employaient à assouplir leurs bottes pour s’assurer d’une meilleure marche quand les plus précautionneux ajustaient à leur ceinture la rapière et la dague « main gauche » dont ils étaient attributaires.
L’officier qui tenait par la bride deux puissants chevaux de cavalerie arriva bientôt sur le lieu de rassemblement. Deux pistolets dotés d’un lourd pommeau en forme de massue dépassaient des fontes de chaque selle. Ayant servi autrefois comme sous-lieutenant dans une compagnie de chevau-légers de la garde royale, Manheulles avait revêtu sa soubreveste bleue galonnée d’argent faisant montre en son centre de la célèbre croix blanche du corps des mousquetaires du roi. »
Claude Veillet, Le crève-cœur de la dame de Neuville, Éditions des Paraiges, 2016, p. 17-18.
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