Lucien Leuwen découvre Nancy
Lieu évoqué : Ville vieille, Nancy.
« Ce fut, sur les huit heures et demie du matin, le 24 de mars 183., et par un temps sombre et froid, que le 27e régiment des lanciers entra dans Nancy. Il était précédé par un corps de [musique] magnifique et qui eut le plus grand succès auprès des bourgeois et des grisettes de l’endroit […]
Nancy, cette ville si forte, chef-d’œuvre de Vauban, parut abominable à Lucien. La saleté, la pauvreté semblaient s’en disputer tous les aspects et les physionomies des habitants répondaient parfaitement à la tristesse des bâtiments. Lucien ne vit partout que des figures d’usuriers, des physionomies mesquines, pointues, hargneuses […] . Ce jeune Parisien, accoutumé aux figures polies de son pays, était navré. Les rues étroites, mal pavées, remplies d’angles et de recoins, n’avaient rien de remarquable qu’une malpropreté abominable ; au milieu coulait un ruisseau d’eau boueuse, qui lui parut une décoction d’ardoise.
Les murs écorchés et sales des maisons de Nancy, la boue noire, l’esprit envieux et jaloux de ses camarades, les duels nécessaires, le méchant pavé sur lequel glissait la crosse qu’on lui avait donnée, peut-être exprès, tout disparut. »
Stendhal, Lucien Leuwen, Le livre de Poche, 1989.