Les souvenirs et les regrets de Pierre…
Lieu évoqué : Grand Café Foy, Nancy.
« C’était sans doute là, dans ce blanc de lune dont elle avait pavé sa place, que résidait la petite débauche de sa ville. Sous un ciel marbré de nuages, Pierre retrouvait le goût amer d’un expresso à la terrasse d’un café. Le roi Stanislas du haut de son piédestal, jugeant plus sain de porter ailleurs son attention, l’invitait de l’index à emprunter un chemin à l’opposé de sa gloire.
Pierre glanait là des souvenirs et des regrets ; de lourdes heures sans amis ni bavardages, à guetter un retour de fortune au fond d’un verre de bière, à saisir au gré du vent les bribes d’une conversation joyeuse, surprenant le regard d’un brave type qui croit le reconnaître sans en être sûr et qui n’ose pas l’aborder.
– Vous n’étiez pas en concert chez Paulette y a une vingtaine d’années ?
– C’est bien vous qui présentiez cette super émission sur France 3 le dimanche soir ?
Et les gens de peu qui, renonçant à s’accorder le droit d’admirer la place, la traversaient vite sans lever les yeux.
Qu’est-ce que tu croyais ?
Il frissonna dans son costume froissé. Etranger revenu chez lui trop tôt ou trop tard, en moins de vingt-quatre heures, Pierre était passé du soleil de la Californie aux petits frimas lorrains.
Tu es de nulle part, Cendrillon.
Entendre tournoyer sa voix, la sentir s’enrouler autour de sa tête.
Percevoir jusqu’à son souffle par dessus l’épaule.
– Pierrot ?
Samir Makhadi avait surgi devant lui, bras ouverts, peau blême, son éternelle écharpe en cachemire jetée sur l’imper. Pressentant le scoop, le journaliste vedette de L’Est républicain s’était empressé de répondre à son message et de convenir avec lui d’un rendez-vous à 8h30 au Café du Commerce.
– ça fait plaisir de te revoir , mon connard ! Claironna-t-il. »
Sophie Loubière, White coffee, Fleuve noir éditions, 2016, pp. 172-173.
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