Trois mots celtes

Publié par Bibliothèques de Nancy le


Lieux évoqués : Saint-Maurice-sur-Moselle

« La montagne des bœufs sauvages

Je suis né, dans cette vallée de la montagne des bœufs sauvages étroitement serrée par les hauteurs rondes aux couleurs délavées, rousses et bleuies, comme des ressacs pétrifiés de vagues écumées.

Vosges.

Trois mots celtes composent à l’origine le nom Vouguerus : vou, signifiant boeuf, guez, sauvage, et us pour montagne, élévation.

Les romains donnèrent le nom de Vogesus, ou Vosegus à ces montagnes ; au Moyen Age elles devinrent Vosagus, et pour les Allemands Vasgau.

Elles ne sont pas montagnes de hautes volées, le sommet fatigué, et ce qui fut chez elles de trempe volcanique n’a laissé pour pauvre trace qu’un soupçon de cratère, en renfoncement, que la forêt comble sans hâte, inéluctablement.

À une époque qu’on n’imagine même pas, des glaciers lents rampaient au creux des grands sillons, quand ils ne recouvraient pas les sommets les moins élevés. Ils ont laissé la marque de leur passage ici et là, coulées de blocs de granit et veines de sable enfouies sous les plissements dressés du sol.

La rivière, qui au-delà de chez nous plongera dans le fleuve que l’on sait lancé à la traverse de grandes terres plates à peine bossuées jusqu’à se jeter dans les eaux glauques froides de la mer, est sous les arbres à peine sortie de la petite enfance, pas même adolescente. Plusieurs autres ruisseaux de même engeance, pas moins forts en débit ni moins longs de course, seraient tout aussi dignes de figurer sous ce nom dans les manuels de géographie.

Cette Moselle fragile se glisse entre les bosses et les collines, les pentes des prés gagnés au fil des ans par la forêt, elle musarde, sans hâte. Elle avance et serpente… »

Pierre Pelot Un autre pas dans la rivière, Editions Presses de la Cité, 2021

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