Correspondances – Voltaire
Plombières-les-Bains
À Bertrand René Pallu
Plombières en Lorraine le 12 Juillet 1729.
Du fond de cet antre pierreux
Entre deux montagnes cornues,
Sous un ciel noir et pluvieux
Où les tonnerres orageux
Sont portés sur d’épaisses nues,
Près d’un bain chaud toujours crotté,
Plein d’une eau qui fume et bouillonne
Ou tout malade empaqueté
Et tout hypocondre entêté
Qui de son mal toujours raisonne,
Se baigne, s’enfume, et se donne
La question pour la santé.
De cet antre où je vois venir
D’impotentes sempiternelles
Qui toutes pensent rajeunir,
Un petit nombre de pucelles,
Mais un beaucoup plus grand de celles
Qui voudraient le redevenir,
Où par le coche on nous amène
De vieux citadins de Nancy
Et des moines de Commercy
Avec l’attribut de Lorraine
Que nous rapporterons d’ici.
De ces lieux où l’ennui foisonne
J’ose encore écrire à Paris. […]
Voltaire, Correspondances, Paris, Éditions Gallimard, 1977, pp. 241-242
Bibliographie : Voltaire séjourne à plusieurs reprises en Lorraine, à Lunéville, Plombières et à Senones. En 1754 il reste durant plusieurs semaines à Senones où il utilise les ressources de la bibliothèque afin de travailler à son Histoire universelle.