Journal – Eugène Delacroix
Eglise de Plombières-les-Bains
29 Août, samedi. – Fait mes adieux à l’église de Plombières. J’aime beaucoup les églises : j’aime à y être presque seul, à m’asseoir sur un banc, et je reste là dans une bonne rêverie. On veut en faire une neuve dans ce pays-ci : si je reviens à Plombières quand elle sera construite, je n’y entrerai pas souvent. C’est l’ancienneté qui les rend vénérables : il semble qu’elles sont tapissées de tous les voeux que les coeurs souffrants y ont exhalés vers le ciel. Qui peut remplacer ces inscriptions, ces ex-voto, ce pavé formé de pierres tumulaires effacées, ces autels, ces degrés usés par les pas et les genoux de générations, qui ont souffert là et sur lesquelles l’antique église a murmuré les dernières prières ? Bref, je préfère la plus petite église de village comme le temps l’a faite à Saint-Ouen de Rouen restauré, ce Saint-Ouen si majestueux, si sombre, si sublime dans son obscurité d’autrefois, qui est aujourd’hui tout brillant de ses grattages, de ses vitraux neufs, etc.
Eugène Delacroix, Journal Tome 1, Paris, Édition José Corti, 1994, pp. 1171-1172
Biographie : Le 31 août 1857, Delacroix quitte Plombières pour Epinal, puis Nancy, ce qui lui permet des réflexions sur la ligne de chemin de fer Paris-Epinal, par Nancy, ligne inaugurée par Napoléon III le 26 juin 1857.