Le village alsacien

Publié par Bibliothèques de Nancy le

Lieu évoqué : Parc Sainte-Marie

Crédit photo : Bibliothèques de Nancy

« Les alsaciens sont arrivés. Des centaines d’invités viennent d’outre-Vosges pour la fête du village alsacien, écrivait dans ses colonnes L’Est républicain, qui racontait par le menu les festivités de cette exposition internationale de l’Est . Antonin Daum a offert un magnifique vase à monsieur Deutsch de la Meurthe, le président d’honneur. »

Mais la grande fête aura lieu le 3 juillet 1909, avec l’arrivée des vignerons de la plaine d’Alsace. On y chanterait à en perdre le souffle, on y danserait jusqu’à l’ivresse.

En souvenir de Lucie, Matthieu fut de toutes les manifestations alsaciennes. Il ne voulait rien manquer.

Sur une scène installée en plein air, la chorale des Trois-Frontières du sud de l’Alsace prit place pour un concert exceptionnel. Tous les participant portaient le costume régional. Ils chantaient et dansaient, inondant de bonheur les spectateurs. Quand, au dernier refrain d’une chanson patriotique alsacienne, une petite fille rousse s’avança, une gerbe de blé dans les bras, et lança de sa voix claire :

Das Elsass, unser Ländel,

da esch meineidigscheen,

mir he we’s fest am bändel un lohn’s mi sechs net

Gehn, Juhé ! Un lohn’s mi sechs net gehn.

Un grand silence se fit. Il n’y avait plus que cette gamine que les uns et les autres dévoraient des yeux. La petite avait un réel charisme. Son charme opérait. Et puis on vit sur cette même scène monter trois petits garçons revêtus du costume lorrain. Très naturellement, ils vinrent s’incliner devant la demoiselle, qui en profita pour marteler la scène de ses sabots en chantant, en français cette fois :

En passant par la Lorraine avec mes sabots

j’ai rencontré trois capitaines avec mes sabots

ils m’ont appelé vilaine avec mes sabots dondaine,

Oh, Oh, Oh ! Avec mes sabots…

(Et les garçons d’agiter leur index en signe de négation et de venir déposer un baiser sur les joues de la fillette.)

Le public applaudissait à tout rompre. Une farandole s’ébaucha, la petite fille fut portée à bout de bras par les aînés. C’est alors que le chef de la chorale lança, avec un accent qui fit chaud au coeur de tous les alsaciens établis en Lorraine :

– Mademoiselle Alsace a plus d’un talent, elle sait aussi jouer du piano. Ce soir , au pavillon des Fêtes, pour vous, elle se penchera sur Mozart.

Matthieu refoula l’émotion qui l’étreignait et qu’il ne comprenait pas.

Au cours des heures qui suivirent, Il revit Elisabeth se mêlant aux alsaciens invités à la fête. Elle avait même réussi à approcher la petite demoiselle Alsace, qu’elle embrassa. […]

Des présents furent échangés remis aux uns et aux autres. Eugène Corbin, organisateur de cette fête alsacienne, n’avait pas ménagé sa peine. Il avait fait faire une chaîne de montre en vieil argent avec une médaille commémorative signée Prouvé pour les messieurs. Les épouses n’étaient pas oubliées. Elles reçurent une superbe broche, toujours en vieil argent et également signée Prouvé.

Elise Fischer, Les alliances de Cristal, Terres de France, 2003, pp. 162-164