Journal de voyage – Michel de Montaigne
Eglise Saint-Nicolas Neufchâteau
Nous vînmes ce soir coucher à Neufchâteau, cinq lieues, où, en l’église des Cordeliers, il y a force tombes, anciennes de trois ou quatre cents ans, de la noblesse du pays, desquelles toutes les inscriptions sont en ce langage : Cy gist tel qui fut mors lors que li milliaires courrait per mil deux cens, etc. M. de Montaigne vit leur librairie, où il y a force livres, mais rien de rare, et un puits qui se puise à fort grands seaux, en roulant avec les pieds un plancher de bois qui est appuyé sur un pivot auquel tient une pièce de bois ronde à laquelle la corde du puits est attachée. Il en avait vu ailleurs de pareils. Joignant le puits, il y a un grand vaisseau de pierre, élevé au-dessus de la margelle de cinq ou six pieds, où le seau monte, et, sans qu’un tiers s’en mêle, l’eau se renverse dans ledit vaisseau et en ravale quand il est vide. Ce vaisseau est de telle hauteur que, par celui-ci, avec des canaux de plomb, l’eau du puits se conduit à leur réfectoire et cuisine et boulangerie, et rejaillit par des corps de pierre élevés en forme de fontaines naturelles.
Montaigne, Journal de voyage, Paris, Edition Arléa, 1992, p. 14