Robe de printemps

Publié par Bibliothèques de Nancy le

Lieux évoqués : Briey, Tucquegnieux

Crédit photo : Dadu Jones

« Madeleine allait acheter le tissu à Briey et Luce se rendait toute seule avenue de la Gare pour les essayages. La fille de la maison, Luisa, était très gaie et parlait un français parfait, sans aucun accent.

Un après-midi, comme Luce venait chercher une robe de printemps, elle aperçut la fillette qui courait au-devant d’elle.

– Qu’as-tu de si pressé à me dire ? lui dit-elle, s’attendant à une bonne nouvelle.

– J’ai reçu une lettre de mon amie de Slovénie, elle arrive samedi de la semaine prochaine !

– Je croyais que son père était trop vieux et n’aurait pas son contrat, il y a eu un changement ?

– Oui, elle a dit qu’elle m’expliquerait tout. Toute la famille va rester chez nous, quelques jours, le temps de récupérer les bagages, alors, tu penses comme je suis heureuse !

– Tant mieux, je me réjouis pour toi.

– Oh ! Tu ne sais pas comme on s’entendait bien, Anna était comme une sœur pour moi. Je vais lui apprendre le français. Là-bas, chez nous, elle m’aidait à garder ma petite sœur et mon frère pour que ma mère puisse coudre tranquillement et en échange, ma mère lui faisait ses robes, quelquefois on était habillées comme des jumelles !

– Si je peux, je viendrai assister à son arrivée. Qu’en dis-tu ? Ça te plairait ?

– Oh oui ! Je te la présenterai, elle était plus grande que moi, enfin, il y a deux ans, je vais sûrement la trouver changée.

Le samedi 19 avril 1924, Luce arriva à Tucquegnieux sur un quai de gare bondé car des familles entières étaient venues accueillir leurs compatriotes. Elle réussit à retrouver Luisa qui paraissait plus joyeuse que d’habitude encore, toute émoustillée à l’idée de retrouver son amie et d’avoir des nouvelles des voisins, de l’école. Deux ans qu’elle espérait ce moment !

Quand, enfin, les voyageurs descendirent du train, Luce aperçut une petite jeune fille aux bottines lacées, vêtue d’une robe fleurie sur fond noir qui s’élançait dans les bras de Luisa. Un chapeau de paille garni d’un bouquet de cerises laissait dépasser deux grosses nattes brunes et un châle noir à franges recouvrait ses épaules. Luce fut tout de suite attirée par son sourire, ses yeux clairs et la blancheur de sa peau qui la distinguait des autres fillettes. Elle lui fut présentée hâtivement au milieu de cette foule, joyeuse de se retrouver, et Luisa attira la fillette vers sa maison, située un peu plus bas dans la rue, tout en demandant à Luce de les suivre :

– Viens goûter les gâteaux de ma mère, il y en aura pour tout le monde. »

Hélène Harvel, Et quand mon village lorrain devint une cité minière, éditions du Lau, 2010, p42 43

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