« Une dérisoire chiure de mouche, à l’échelle cosmique »

Publié par Bibliothèques de Nancy le

Lieu évoqué : Faubourg des Trois-Maisons, Nancy.

« Vers le nord-est de ce pays, il y a une rivière tout au long de laquelle s’est agglutinée une partie non négligeable des traîne-misère de ce vieux continent à l’époque où la faim les poussa par là pour y quérir fortune et pour, finalement, n’y trouver que du travail. C’était l’âge d’Or, la grande époque florissante, celle qu’on regrette, la larme à l’œil, en se rappelant tout ce qu’elle apporta à nos anciens, morts de la silicose ou d’un coup de grisou. Le bon vieux temps, quoi. Par là, il y a aussi une autre rivière, qui se jette dans la première. Un peu en amont de cette confluence, sur la rive gauche de cette deuxième rivière, il y a une ville d’honnête taille qui vit son existence de ville, sans se soucier du qu’en-dira-t-on des autres villes, qui peuvent bien la juger trop petite, trop sale ou trop provinciale ; elle s’en fiche pas mal. Elle s’est construite comme les autres, de massacres en pillages, d’intrigues en complots, et après un millénaire de péripéties ordinaires, la voilà. En son extrémité nord, se trouve un quartier, grand comme un timbre poste, qui n’est pas aussi vieux que le reste de la ville, mais qui en est un de ces nids de vie, un endroit pas commun où des gens naissent, vivent et meurent parfois sans jamais l’avoir quitté, un quartier complètement encerclé, cloisonné, pris entre des monuments historiques et un grand parc au sud, un canal à l’est, une avenue au nord et à l’ouest.
Le Faubourg des Trois-Maisons, qu’on l’appelle, du nom de sa principale artère qui le traverse de part en part. Pourquoi ce nom ? On verra plus tard… Mais bon, c’est plutôt joli, ça fait campagnard et ce n’est pas plus mal, parce que par là-bas, la campagne, il faut avoir de l’imagination pour la percevoir. Une dérisoire chiure de mouche, à l’échelle cosmique, mais le centre de l’univers pour la poignée de gens qui y vit. »

Sylvain Sellier, Faubourg des Trois-Maisons, Néreïah Editions,2017, p. 9 et 10.

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