Madame l’Impératrice
Lieux évoqués : Jardin botanique, Plombières-les-Bains
Madame l’Impératrice
1805. Jardin des plantes
« Rémy Willemet était impatient. Une journée exceptionnelle s’annonçait. Il allait recevoir une visite rare, riche et inattendue. La visite de Madame l’Impératrice. L’épouse de Bonaparte elle-même.
Rémy, directeur du jardin des plantes de Nancy, connaissait la passion de Joséphine de Beauharnais pour la botanique. Elle avait fait de son jardin de Malmaison un parc magnifique avec des serres chaudes dans lesquelles on trouvait les grands chefs-d’œuvre de la nature connus à l’époque. Joséphine, partie se ressourcer dans les eaux thermales de Plombières-Les-Bains, faisait escale à Nancy, ravie de venir découvrir un jardin de grande renommée. On y trouvait des végétaux peu communs, et Willemet lui fit hommage de quelques plantes pour compléter ses collections personnelles.
– Madame l’Impératrice, permettez-moi de vous faire l’honneur d’une visite du jardin des plantes de Nancy.
– J’en suis très flattée. Je sais que votre jardin comporte des végétaux très intéressants que d’autres jardins ne possèdent pas encore. J’ai ouï dire de votre travail considérable de rénovation des collections.
– En effet ! s’exclama Willemet. Vous n’êtes pas sans savoir que j’ai récupéré ce jardin dans des conditions déplorables. Il a subi de nombreuses négligences au cours des années précédentes. […]
– Je remarque le beau travail de rénovation réalisé. Cette serre chaude semble toute neuve !
– Elle a été totalement reconstruite et agrandie. Grâce à l’appui du préfet, nous avons aussi créé ce carré pour les plantes aquatiques et cette « montagne » de quelques mètres de haut pour accueillir les plantes alpines et subalpines vosgiennes et helvétiques. J’avoue que la culture de ces plantes est particulièrement délicate. Les végétaux ne sont pas protégés sous une importante couche de neige en hiver et risquent de geler !
– Comment avez-vous fait venir ces plantes de montagne ici ?
– Vous savez… J’ai des relations… Je participe à de nombreuses sociétés savantes et académiques dans toute l’Europe qui me permettent d’accroître les collections.
– C’est excellent Monsieur, excellent ! […]
– Je me permets d’avancer avec fierté que vous vous trouvez dans l’un des plus riches jardins botaniques de France, avec près de 4000 espèces végétales. […] Votre jardin est semble-t-il tel le jardin d’Eden. Un paradis. Vous pouvez y exercer tout votre talent pour les sciences naturelles dans le plus beau des lieux.
– J’ai une chance incroyable. Ma propriété de Malmaison contient en plein air ou dans les serres les plantes les plus rares que l’art et la patience ont pu faire végéter sous nos climats. Elle comprend aussi une ménagerie, l’une des plus complètes d’Europe, avec tous les animaux aquatiques, terrestres et volatiles qui peuvent vivre dans notre atmosphère. Je me réjouis à y observer les premiers cygnes noirs d’Australie arrivés en Europe, ainsi que les émeus et les kangourous. Je suis aussi fière de mon troupeau de moutons mérinos venus d’Espagne. Les plus grands savants de ce monde s’empressent de m’envoyer les objets les plus rares et les plus dignes de fixer ma curiosité. […]
– Permettez-moi de vous offrir une rose Madame l’Impératrice.
– Oh, merci ! Savez-vous que les roses sont les fleurs les plus touchantes et les plus merveilleuses qui soient ? J’ai commencé à faire cultiver à Malmaison de nombreuses variétés. Ma collection sera la plus belle du monde.
Après cette promenade dans les allées du jardin des plantes de Nancy, la divine Joséphine fut très enthousiasmée par les retrouvailles botaniques qu’elle y fit. Elle promit d’envoyer à Monsieur Willemet des végétaux rares provenant de la Réunion, de Nouvelle-Zélande et d’autres horizons méconnus .»
Katia Astafieff, Nouvelles du Jardin Botanique de Nancy de 1758 à nos jours, Conservatoire et jardins botaniques, 2009.