« Arc-de-triomphe à l’hiver »
« À la fin de la journée je vois la nuit tomber et il fait parfaitement nuit quand, à quatre heures trente, nous sortons de l’école. Les façades banales des maisons jaunâtres me rendent triste malgré les lampes qui les éclairent de leur lumière de néon. Ce décor me rappelle celui qu’a décrit Maurice Ponge dans Saisons. Livre qui m’a bouleversé tant l’ambiance qui y règne a des airs de fin d’humanité. Cette période ouvre chaque année la porte aux grands froids lorrains qui ne manquent pas de sévir violemment le mois de décembre passé. Je pense à la Porte Désilles au bout de la Place Carnot peuplée d’arbres centenaires. Elle fait office d’arc-de-triomphe à l’hiver, sorte d’avenue par laquelle il pénètre sur le dos de la bise venue de l’Est. Pendant les deux mois qui suivent, le vent engourdit la ville. Heureusement, assis en tailleur sur le sol de ma chambre, je lis pour lutter contre l’endormissement. Il y a aussi le merveilleux « Cinéparc » de mes jeudis de liberté, où pour « un-franc-cinquante » je découvre, chaque semaine, un film Jeune public comme on ne le disait pas encore à l’époque. »
Jacques Ségueilla, Plaisirs d’enfance, L’Harmattan, 2021.
Iconographie : Wikipedia