Premier Noël Lorrain
Lieux évoqués : La Sapinière, Vandoeuvre
« L’hiver arrive très vite. Le 6 décembre, nous retrouvons la tradition de la Saint-Nicolas ; la veille au soir, je prends un plaisir sadique à épouvanter mes sœurs en leur affirmant que le père Fouettard passera à coup sûr les bastonner, car c’est l’année de son passage chez les enfants dont le prénom commence par un A ou un B, et comme elles n’ont été sages ni I ‘une ni I ‘autre. . .
Le hurlement de refus de Bernadette marque mon expulsion de la chambre des frangines par papa. Non seulement il me traite d’imbécile, mais il annonce que Saint-Nicolas ne risque pas de remplir mes chaussons de quoi que ce soit, sous les traîtres applaudissements de mes deux petites sœurs.
Néanmoins, quelques minutes plus tard, je m’approche quand même derrière Riri sur la pointe des pieds de la porte d’entrée devant laquelle nous déposons nos chaussons juste à côté de ceux des frangines. Les variations de pointure sont impressionnantes, entre les savates du frangin et celle de Dédette que j’appelle aussi Berna ou plus rarement Bernaboudichonette.
Je souris, car je sais bien que mes parents auront le souci de l’équité lorsqu’ils placeront les clémentines et les bonbons que nous découvrirons au petit matin avec force exclamations de joie.
Nous apprenons que nous allons passer notre premier Noël en Lorraine tous les six avec les Gaillard, aux « Bengalis ». Papa a dû rudement ferrailler pour obtenir la présence de mon parrain, son ex-complice de blagues à tabac. La neige tombe dru dès le début des vacances scolaires et Nancy n’a rien à envier à Charleville pour les lugeurs que nous sommes. C’est à la Sapinière, sur les hauteurs de Vandoeuvre que nous nous joignons aux spécialistes locaux pour retrouver l’ivresse de la vitesse de nos bolides sur patins. »
Philippe Manjotel, Les Genêts du Bonheur, Édition Ex-Aequo, 2020, p. 123-124
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