De part et d’autre de la Moselle

Publié par Bibliothèques de Nancy le

Lieux évoqués : Corny, Ancy, Pont-à-Mousson.

« De ce côté-ci de la Moselle, à Corny, où je passais le reste de mon enfance, après avoir quitté Pont-à-Mousson, c’était une toute autre histoire. Corny avait beaucoup plus souffert qu’Ancy lors de la bataille de Metz. Et l’on avait dû reloger une grande partie des habitants dans les baraquements provisoires. On se meublait comme on pouvait. Par bonheur, nous avions pu sauver du désastre les meubles de la tante Belle, une armoire lorraine, un lit, un secrétaire en acajou, une chaise percée contenant un énorme pot de chambre en faïence de Sarreguemines. Esquif fragile, notre baraque, construite par le ministère de la Reconstruction, tremblait de toutes ses planches sous les vents d’automnes, laissait passer le froid, résonnait comme une grosse caisse quand la pluie s’abattait sur les tôles du toit, ne nous abritait guère des chaleurs lourdes de l’été mosellan. J’ai mis du temps à m’apercevoir que cette embarcation était aussi un canot de sauvetage ! La baraque était vivante comme tous les édifices de bois, temple japonais, isbas sibériennes ou chalets montagnards qui communient avec la nature. Elle était discrète, se sachant provisoire. Elle avait tiré les leçons de l’Histoire. Peut-être est-ce elle mon coffret, ma vraie boite lorraine ! Lors des combats farouches de septembre 1944, presque toutes les maisons de Corny avaient été anéanties par l’artillerie américaine. Du café-restaurant Palseur, il ne subsistait rien ou presque : un pan de mur ébréché, le calvaire endommagé, et les deux tilleuls qui embaumaient le cœur du village chaque printemps au temps où Edmond rendait visite à ses sœurs. »

Michel Louyot, Le mouton à la porte rouge, éditions Gérard Louis, 2012, p. 42.

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