Hôtel crystal bis

Publié par Laurence Dupeyron le

Lieu évoqué : Hôtel Crystal, Nancy

« Arlette Harlowe commençait à éprouver des doutes sur son sex-appeal et, d’autre part, rencontrer un ex-colonel de l’Armée rouge, aussi spectaculaire en plus que l’était Gricha, avec son oreille en évent de baleine, l’excitait au plus haut point : elle n’arrêtait donc pas de lui demander de remonter la fermeture éclair dans son dos, et enfin on voyait très bien comment tout ça allait se terminer. Et en effet ils ne tardèrent pas à s’éclipser. Schmelk, qui ne buvait pas, dissimulait sous un sourire figé une moue légèrement dégoûtée. Zibeline avait l’air d’une martyre, mais une martyre contente de son sort, pas encline à faire des reproches. Iskandar essayait de leur réciter du Mallarmé en arabe. Il avait des trous.

Tout ça, naturellement, est pure invention. Cette fête n’a jamais eu lieu. Je me tue à vous dire que je n’ai AUCUN souvenir de l’hôtel Crystal. L’hôtel Crystal est un lieu vide, l’entrepôt des marchandises imaginaires, l’hôtel du roman, si vous voulez. Une suite à l’hôtel Crystal… et vous y avez cru ! Ce n’est pourtant pas le genre d’hôtel où il y a des suites…Ah, je vous vois venir : c’est donc que je me souviens quand même de QUELQUE CHOSE ? Non, à moins que vous appeliez « quelque chose » le fait que c’est un hôtel modeste. De ça, oui, je me souviens. Et aussi de la boîte de macarons des sœurs Macaron. Et d’ailleurs… je n’en suis pas si sûr. Ça sort d’où, ça, pour commencer, « les sœurs Macaron » ? Il me semblait me souvenir que c’était marqué sur la boite, mais je lis dans un dictionnaire que macaron vient du vénitien macarone, macaroni, alors cette histoire des sœurs, tout d’un coup, me paraît bien douteuse. Est-ce que ça n’aurait pas été plutôt une boite de bergamotes ? Á Nancy, la chose est peut-être plus plausible ? »

Olivier Rolin, Suite à l’hôtel Crystal, Editions du Seuil, 2004, p.176.

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