Un grand blanc
Lieux évoqués : Nancy, Thionville, Manom, Pont-à-Mousson.
« Et c’était vrai. Son accident, Julien ne supportait pas qu’on insinue que c’était peut-être de sa faute. Un accident de voiture, ça arrive et ça ne prévient pas. Ils avaient dit, accident, et il n’avait pas insisté ; il aurait dû. Où, quand, comment ? La police était bien passée, mais comme il ne se souvenait de rien ! Ses parents devaient savoir.
Nancy-Thionville. Une heure trente de route. Ses parents habitaient un modeste pavillon à Manom. Fabrice Renouart venait de prendre sa retraite de technicien ERDF, Fabienne, son épouse, s’était occupée du foyer et de leurs deux enfants, Pierre-Julien et Régis. Famille unie, sinon heureuse. C’était leur histoire et Julien ne pouvait que l’accepter, puisqu’il n’en avait pas d’autre. Les deux frères. École primaire, collège, Lycée. Maman raconte.
– Toi, tu as fait ton droit, et Régis, une école vétérinaire. Il est marié, ils ont une fille, Muriel. Toi, tu t’es marié plus tard. Avec Sarah. Mais ça n’a pas duré.
Papa intervient.
– Dommage ! On l’aimait bien, cette fille !
Papa est grand, costaud, la voix rauque du fumeur. Quand il parle ! Parce que, manifestement, c’est un taiseux. Alors, cette réflexion sur son mariage raté sonne désagréablement aux oreilles de Julien.
– Mon accident, comment ça s’est passé ?
Maman s’étonne, mais nous en avons déjà parlé, à l’hôpital !
– Oui, mais pas dans les détails.
De nouveau papa.
– Mois d’avril, à la sortie de Pont-à-Mousson. »
Serge Radochévitch, Amnésie, Éditions Territoires témoins, 2015, p. 15.