Les villes en « ange »
Lieux évoqués : Serémange-Erzange, Ranguevaux, Fameck, Neufchef.
« La ville, elle s’appelle Serémange-Erzange. Ici toutes les villes se terminent en ange sauf Fameck, Ranguevaux et Neufchef qui sont des exceptions comme dit le maître. Sinon toutes. Et elles se touchent. Tu passes de l’une à l’autre, tu n’as rien remarqué. Pour le décor, en gros, ce que tu vois en premier, si tu regardes une carte postale (il y en a au bureau de tabac), c’est gris. Gris les murs, grises les routes, tout. En deuxième, ce que tu vois ce sont les usines qui crachent. C’est à cause d’elles que c’est tout gris. Sauf quand le ciel est tout rouge parce qu’ils changent les fumées des fois et là, ça colorie plus que le soleil. Mais ça pue. En troisième tu ne vois plus rien. A cause de la fumée justement. Dans le dos, c’est de la forêt sur une colline. Là, c’est vert. Si tu te retournes, tu as envie d’y grimper. Moi je me retournais tout le temps. C’était mon Far West, ma lune, mon île avec les pirates (mais il n’y en avait pas en vrai, juste dans ma tête)… De l’autre côté de la colline, on ne sait pas ce qu’il y a. Peut-être rien. Ou juste une source d’eau chaude si tu crois les histoires des vieux. Mais on n’allait jamais par là. On ne demandait même pas. Rien. Tu te faisais ton livre d’images dans le silence de la tête où personne ne venait t’embêter et c’était bon.
On était en 1954. Les patrons de mon papa s’appelaient de Wendel. »
Roland Marcuola, Guido, L’Harmattan, 2020, p. 9.