La rue des boxons
Lieu évoqué : rue du Maure qui Trompe.
« On a demandé la rue des boxons. On a cherché celui pour la troupe. On a insisté pour pas faire d’erreur. Leur vin blanc était bien meilleur que le nôtre mais épouvantable comme prix. Ça n’engageait pas à monter. D’abord nous n’avions plus la somme. La troupe aussi à Nancy était consignée. Y avait que nous cinq au bordel. Une des rombières tirait les cartes. Lacadent nous avait vu passer. Il nous rattrape. Il entre aussi dans notre claque avec un juteux des hussards. Tout le monde se lève. « Repos !», il fait. Il demande à voir le cadeau. Tout le monde le trouve bien choisi, que j’avais du goût. On le rempaquette. On a déjà peur à la façon qu’elles tripotent. Il était saoul Lacadent, l’autre bourrique aussi. Ils allaient un peu de travers. Cela nous gênait qu’ils s’assoient à côté de nous.
« Putain ! qu’il fait soudain à la grognasse ! Je sais l’avenir mieux que toi moi ! »
Les autres se marrent. Elles s’approchent pour lui tâter le nœud. Il se débat.
« Mieux que toi pouffiasse ! Vrai comme il est pourri ton cul ! »
Elles y répondent. Elles ont pas peur.
« T’as le cul pourri jusqu’aux oreilles !… »
L’autre hussard il escalade son banc. Lacadent le fout en l’air. Il monte à sa place. Il chante.
As-tu connu la putain de Nancy
Qu’a foutu la vérole à toute la cavalerie ?
On rigolait nous pour pas le contrarier. On n’en menait pas large quand même. Il rabaisse sa culotte alors. Il montre son cul. »
Céline, Casse-pipe, Éditions Gallimard, 1975.
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