« La Rue des Écuries est une Venise asséchée »
Lieu évoqué : Rue des Ecuries, Nancy.
« La Rue des Écuries est une Venise asséchée. Il faut s’y promener la nuit, lors les murs répercutent le bruit des pas. Alors, elle ressemble aux venelles du Paris d’avant Haussmann, où l’on trouve au petit matin des poètes perdus aux grilles
On y accède par une voûte discrète, comme dans le quartier réservé d’une ville orientale. On ne la connaît pas. Elle échappe ainsi aux familles dominicales pousseuses de landaus.
D’ailleurs, la Rue des Écuries n’a pas de vitrines, pas de cinémas, et ne vante pas le sous-vêtement ou la bière à grande clameur de néon. Sous la voûte, un bec-de-gaz sans colonne, comme une fleur cueillie, a remplacé la lampe à huile dans une petite cage de fer
Comparée à ses sœurs parisiennes, la Rue des Ecuries ne serait ni la rue de la Paix nancéienne, ni la rue royale idem, mais tout au plus la Rue de l’Evangile.
Elle tient son nom des écuries de Charles III, en contrebas de la Pépinière qui, affirme l’annuaire, s’y voient encore.
Les stalles ont des rideaux de fer côtelé, et abritent des autos. Pour qui ?…
La Rue n’a ni porte, ni numéro. Elle ne connaît pas le facteur.
Autre mystère, géométrique celui-là : le guide de Nancy lui donne, comme tenant et aboutissant, la Place de la Carrière.
Pourtant, elle n’est ni circulaire, ni courbe, ni coudée à angle droit. Elle est rigide comme une avenue de quartier riche. »
Michel Guillet, Nancy Royale et familière, Itinéraires Esquisse, 1957