Les Vosges – François de Neufchâteau
Plombières-les-Bains
Sur un lit de cailloux qu’autrefois les Romains
Ont, dans un val étroit, cimenté de leurs mains,
Entre deux monts cornus, au fond d’un précipice,
D’un faubourg de Paris vous trouvez une esquisse :
C’est Plombières. C’est là que vingt sources au moins
Préviennent, en été, vos voeux et vos besoins.
C’est là qu’un air salubre et des vapeurs bouillantes
Raniment, par degrés, vos forces chancelantes,
Rendent le mouvement à vos membres perclus,
Et même l’appétit à ceux qui n’en ont plus.
Vous trouvez, au salon, société choisie.
Si de vous promener il vous prend fantaisie,
Suivez à l’occident ce limpide ruisseau,
Serpentant dans les prés qu’il baigne de son eau.
De superbes forêts s’ouvrent pour faire place
À de rustiques toits que leur feuille entrelace.
Partout, dans ce vallon, des vallons non moins frais,
Parsemés de verdure, ornés d’autres forêts,
Ont des bains naturels, des bosquets, des cascades,
Partout, vous croyez voir des faunes, des dryades.
Ah ! Comme la nature aurait, sous ces berceaux,
De notre Saint-Lambert exercé les pinceaux!
C’est ici, mes amis, le pays des églogues,
Du combat pastoral, des tendres dialogues.
Ici Gessner, enflant ses pipeaux bocagers,
Aurait fait rafraîchir, fait asseoir ses bergers.
François De Neufchâteau, Les Vosges, Paris, Éditions Fédération des sociétés savantes des Vosges « Mémoires et documents sur l’histoire des Vosges » n°1, 2009, pp. 57-58
Bibliographie : François de Neufchâteau, de son vrai nom Nicolas François (1750-1828), est un écrivain, homme politique et agronome français. Dans la préface de son ouvrage Les Vosges, publié en 1790, il explique qu’il a souhaité « faire connaître sa patrie ». Il s’agit de lutter contre des préjugés, de chanter les mérites des habitants de la région. Il s’inspire ainsi du savant bernois Albrecht von Haller qui a publié en 1732 un long poème décrivant les moeurs et les traditions des populations des Alpes bernoises, Les Alpes.