Mais que le vent se lève – Bauduin-Cunq
Etang du Void du Fou (Xertigny)
Le Void du Fou, une propriété des Cheverney, était un bel étang de quatre hectares entouré d’une étroite bande de roseaux et couvert en partie de plaques de nénuphars où quantité de fleurs nacrées s’épanouissaient.
Hélène s’assit à proximité de la vanne, dans un petit espace herbeux, bordé, du côté de l’eau, de grosses pierres, entre lesquelles jaillissaient des gerbes de joncs vertes et drues. Sur les autres côtés, des noisetiers limitaient ce carré d’herbe. La chaussée était plantée de bouleaux et de hêtres. Des aulnes et des bouleaux ceinturaient l’étang. Sur la droite, une colline couverte de feuillus et de sapins faisait le gros dos, comme un chat somnolant qui se relèverait à demi.
La brise faisait frissonner les arbres, qui semblaient chuchoter entre eux, mais la surface de l’eau demeurait presque lisse. Parfois, cependant, la brise, devenant plus forte, ridait l’étang, intensifiait le murmure des frondaisons, soulevait des feuilles de nénuphars.
De temps à autre, une ou deux libellules passaient, comme affairées. Parfois aussi, un papillon faisait une apparition et se perdait dans la verdure.
Quelques feuilles sèches flottaient sur ce miroir d’un gris bleuté. Il arrivait qu’une d’elles, qui était en réalité une grenouille, se mît à bouger sans le secours de la brise.
Quelquefois, une carpe surgissait, en un scintillement d’argent, ou une grenouille sautait d’une feuille de nénuphar à une autre.
Deux poules d’eau partirent sur la gauche. Elles allèrent se poser très loin de la chaussée, dans les nénuphars, près des roseaux. Hélène chercha, avec ses jumelles, à les découvrir dans leur retraite, mais en vain.
Puis ce fut un ramier qui passa, pour aller se percher dans un boqueteau.
Une guêpe sembla se baigner et se désaltérer, et reprit son vol.
Quantité de grenouilles répondirent à une de leurs congénères, comme si elle était leur chef de choeurs. Ce fut un concert d’une minute. Oh! à peine. Il cessa brusquement.
Marie-Thérèse Baudouin-Cunq, Pages choisies, écrivains vosgiens d’aujourd’hui, Épinal, Editions du sapin d’or, 1969.