Sentier de Malzéville

Publié par Bibliothèques de Nancy le

Lieux évoqués : Sentier de Malzéville

« Sentier de Malzéville. Le syndrome pariétal est peut-être le propre de l’humanité puisqu’il ne nous a pas quittés depuis que, péniblement, en l’espace de quelques centaines de milliers d’années, nous nous sommes relevés, nous avons enterré nos morts et nous avons commencé à peindre, dessiner, inscrire des signes sur les murs de notre habitat. Les taggeurs d’aujourd’hui se rendent-ils compte qu’ils n’ont rien inventé, et qu’ils ne font que reproduire des gestes millénaires que des primates, un peu plus évolués que certains de leurs cousins, ont esquissé jadis ? On laisse sur un mur une trace, le contour d’une main, un message, un dessin, la silhouette d’un bison ou le nom d’un chanteur jamaïcain amateur de plantes vertes, une signature, une scène de chasse ou l’ébauche d’une scène d’amour, une insulte. Tout cela pour dire qu’on est passé par là, qu’on a vécu là. Tout cela pour se dire à soi-même qu’on existe peut-être tout de même un peu. Qu’on n’est pas seul, ou plutôt, qu’on espère ne pas être seul, qu’on espère qu’un œil se posera sur nos traces et nous fera vivre, même sans nous connaître. »

Philippe Claudel, Quartier, éditions la Dragonne, 2007.

crédit photo : Dadu Jones


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