Les Vosges – Théophile Gautier
La cascade de Tendon
Sur le flanc de la montagne, en face de soi, de l’autre côté de la vallée, on voit briller à travers les arbres la nappe argentée d’une cascade ; c’est le Tendon qui se précipite, du sommet de la montagne, à grand fracas, à travers des roches tapissées de mousse et de lichen, écume, bouillonne et se divise en ruisseaux dont les ramifications vont irriguer plus loin les riches prairies des terrains inférieurs. Toutes ces eaux courent sous un bois épais, touffu, aux rameaux entrelacés cachant le ciel, mais laissant filtrer quelques-uns de ces rayons qui semblent semer des pièces d’or sur l’herbe verte et la terre brune.
On y passerait la journée à observer les jeux d’ombre et de lumière, les formes étranges des roches, le jet vigoureux des arbres, tous les accidents d’un site fait à souhait pour les paysagistes, si la nécessité de poursuivre la route et le désir de voir de nouvelles beautés ne vous en arrachaient.
Jean-Joseph Bellel, Théophile Gautier, Les Vosges,Paris, Éditions A. MOREL et compagnie, Libraires-éditeurs, 1860, pp. 2
Bibliographie : Jean-Joseph Bellel (1816 -1898), peintre français, édite en 1860 un album intitulé Les Vosges. Il est composé de vingt dessins au fusain de sa main et lithographiés par J. Laurens. Il confie la rédaction du texte descriptif à son ami Théophile Gautier (1811-1872) qui a effectué un voyage dans les Vosges en 1858 et 1859.