Des thermes de Plombières – Camérarius

Publié par bmi d'Épinal le

Plombières-les-Bains

D’abord, au fond d’un vallon creux, s’étant un lac que tous les côtés entourent des hôtelleries. Là, hommes et femmes, garçons et filles, nobles et vilains, savants et illettrés, le vieillard engourdi et la jeunesse au pied léger, l’homme intact et le blessé, celui qui est couvert de cicatrices ou déchiré d’ulcères, gens sains ou gens malades, tous viennent réchauffer leurs membres dans le même bassin d’eau fumante, enfermé dans une enceinte de murs d’environ deux cents pas.
On peut y voir, assis sous un toit de feuillage, des gens riches qui ont loué la place à prix d’argent. Tout autour, les baigneurs en foule se tiennent collés aux pierres de la muraille, appuyés sur des fourches et plongés dans l’eau jusqu’au menton ; d’autres errent dans le lac transparent, dirigeant avec des bâtons fourchus leur pesante personne et leurs pas vacillants. Condition, rang, sexe, âge, tout est confondu. Beaucoup aussi se lancent à la nage à travers le bassin sur les ondes mouvantes. L’un, debout, se tient hors de l’eau jusqu’à la ceinture, l’autre plonge de temps en temps.
Puis à l’endroit même où la source jaillit en bouillonnant, et près de la lèvre de pierre qui alimente l’étang, les vieillards épuisés, les vieilles femmes émaciées, sombre, débile et flasque cohue, troupe pâle, tremblotante et sans charme, assiègent et gardent la place obstinément. Leur souffle glacé attiédit la source, et l’onde pure est souillée de leur contact immonde.
Mais voici que, brillantes et belles, aimables, gracieuses, charmantes, au teint éclatant, pleines d’élégance et souriantes, jeunes femmes et jeunes filles, dignes du cortège de Vénus, apparaissent s’élevant au-dessus de l’onde jusqu’à la ceinture ; leur blanche poitrine est couverte d’une tunique de lin ; tout s’embellit de leur présence et leur contact rassérène les eaux. Le lac attristé rayonne du feu de leurs yeux et l’onde troublée s’égaie du reflet de leurs visages. Les mains entrelacées, elles parcourent cette mer, et leur démarche a plus de souplesse que la branche du saule. Leurs regards s’allument et leurs pupilles s’éclairent ; leurs joues s’animent de l’éclat du carmin et sur leurs lèvres brille la pourpre de Phénicie.

Camerarius, Voyages anciens et modernes dans les Vosges 1500 – 1870, Épinal, Éditions Veuve Durand et fils, Libraires-éditeurs, 1881, pp. 4-5

Bibliographie : Joachim Camerarius (1500-1574) est un savant et réformateur allemand. Il rend compte de son séjour thermal à Plombières.

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